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Climat : les associations de l’« affaire du siècle » déposent un recours administratif contre l’Etat

Elles veulent faire reconnaître par le tribunal les obligations pesant sur la France dans la lutte contre le changement climatique.

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Publié le 14 mars 2019 à 06h16, modifié le 14 mars 2019 à 10h54

Temps de Lecture 4 min.

Manifestation étudiante pour un changement des politiques climatiques mondiales, à Paris, le 22 février.

L’« affaire du siècle » sera débattue dans le prétoire du tribunal administratif de Paris. Après l’euphorie suscitée par les 2,1 millions de signatures de la pétition en ligne éponyme lancée au soutien de leur « demande préalable indemnitaire » du 17 décembre 2018 pour « inaction climatique » contre l’Etat, la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France haussent le ton.

Jeudi 14 mars, les quatre associations lancent une procédure en déposant devant la juridiction un recours de plein contentieux. Elles attendent du juge administratif qu’il reconnaisse les obligations pesant sur l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique, qu’il constate ses fautes et carences dans ce domaine, et – une fois que la preuve en sera apportée – qu’il enjoigne l’Etat à y mettre un terme.

Soucieux d’inscrire leur action dans la dynamique d’une semaine de mobilisation internationale jalonnée par la grève mondiale des lycéens pour le climat, vendredi 15 mars, et les marches pour le climat, samedi 16 mars, les ONG n’ont pour l’heure porté qu’une « requête sommaire » devant le tribunal administratif de Paris. Ce document d’une vingtaine de pages synthétise la teneur du mémoire complémentaire qui devrait enrichir, d’ici à un mois, une procédure qui promet d’éprouver leur endurance.

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Faire œuvre de pédagogie

Ce passage à la vitesse supérieure leur a été imposé par un courrier du ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy. Le 15 février, ce dernier a rejeté au nom de l’Etat l’accusation de « carence fautive » adressée le 17 décembre 2018 au premier ministre Edouard Philippe ainsi qu’à douze membres du gouvernement.

Dans leur missive, les quatre organisations sommaient l’exécutif de prendre toutes les mesures urgentes permettant de rattraper le retard de la France en matière climatique, par rapport aux objectifs fixés. La fin de non-recevoir de François de Rugy était assortie d’un mémo d’une dizaine de pages listant les actions de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le contentieux déclenché offre une occasion de faire œuvre de pédagogie. « Notre recours n’est pas une plainte contre le gouvernement, précise Me Clément Capdebos, avocat de Greenpeace France qui a participé à sa rédaction avec les conseils des trois autres ONG. Nous saisissons ici la juridiction administrative chargée de juger au quotidien les activités de l’administration française, donc de l’Etat. »

Avant de poursuivre : « Dans le cadre de sa mission de protection des personnes et de l’environnement, l’Etat est tenu par une obligation générale de lutte contre le changement climatique qui suppose, notamment, de prendre des mesures destinées à protéger les milieux naturels et, plus largement, de limiter, et si possible, éliminer, les dangers liés au changement climatique. Nous souhaitons que le juge la lui rappelle. »

Selon les ONG, l’Etat ne respecte pas ses objectifs

« L’Etat a aussi des obligations spécifiques en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre [GES], d’amélioration de l’efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables et de réduction des vulnérabilités causées par le changement climatique », renchérit Marine Fleury, enseignante-chercheuse en droit constitutionnel de l’environnement à l’université de La Rochelle, qui a contribué à l’élaboration du document.

Las, selon les quatre associations, l’Etat ne respecte pas les objectifs qui lui sont assignés et manque « de façon continue » à sa mission de protection de l’environnement et des citoyens.

Le recours demande donc que l’Etat soit contraint à prendre des mesures qui permettent de réduire les émissions de GES à un « niveau compatible avec l’objectif de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète sous le seuil de 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels [objectif renvoyant à l’accord de Paris sur le climat, conclu en décembre 2015, à l’issue de la COP21] » et, plus largement, toutes les dispositions nécessaires pour remplir les objectifs concernant les GES, les énergies renouvelables et l’adaptation au changement climatique. Sans oublier les mesures indispensables pour « assurer la protection de la vie et de la santé des citoyens » face aux risques connus liés au changement climatique.

Pour étayer leur requête, les ONG réunies dans l’« affaire du siècle » s’appuient principalement sur le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Rendu public le 8 octobre 2018, il fournit les données scientifiques les plus récentes en matière de changement climatique.

Reconnaissance du préjudice écologique

Les associations se fondent aussi sur des documents dont la France est signataire et qui devraient logiquement guider son action en matière de lutte contre changement climatique : des textes constitutionnels dont la Charte de l’environnement promulguée en 2005, des textes européens comme des directives et la Convention européenne des droits de l’homme, et une somme de textes internationaux – tels que la Convention-cadre des Nations unies de 1992 et l’accord de Paris de 2015 – sans effet direct en droit français mais qui permettent de comprendre les obligations de l’Etat.

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Dans le cadre de ce recours qui vise dans son ensemble la carence de l’Etat dans la
lutte contre le changement climatique, les ONG se sont également enhardies à demander la reconnaissance du préjudice écologique. Une notion épineuse qui figure dans le code civil mais n’a encore jamais été reconnue par le juge administratif.

Mais les quatre associations devront s’armer de patience. L’instruction du dossier devrait durer un an et demi à deux ans. Au terme de cette période d’échanges entre les parties, le juge administratif fixera une date d’audience. Sa décision devrait intervenir en 2020 ou 2021, avant un éventuel appel.

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